
Deux amis échangent en langue ch’ti dans un café typique du Nord.
Le ch’ti est-il une langue à part entière ?
Le ch’ti (ou chtimi) n’est pas officiellement reconnu comme une langue par l’administration française, mais il est considéré comme une langue régionale par les linguistes. Plus précisément, il s’agit d’une variété dialectale du picard, une langue romane issue du latin, comme le français, l’occitan ou le catalan.
Ce que l’on appelle « ch’ti » correspond surtout au picard tel qu’il est parlé dans le Nord–Pas-de-Calais, en particulier autour de Lille, Lens ou Douai. Son usage populaire a été renforcé par la culture locale et les médias, notamment le film Bienvenue chez les Ch’tis.
Origine et histoire du picard
Le picard s’est formé à partir du latin vulgaire, comme toutes les langues romanes. Son développement linguistique s’est fait entre le IXe et le XIIe siècle, dans une région qui comprenait la Picardie historique, le nord de l’actuelle France et une partie de la Belgique (notamment le Hainaut).
Au Moyen Âge, le picard était utilisé dans les actes juridiques, les chroniques et la poésie, notamment chez des auteurs comme Adam de la Halle. Son usage écrit a décliné avec la centralisation linguistique du français à partir du XVIe siècle, mais l’usage oral s’est maintenu.
Pourquoi dit-on « ch’ti » ?
L’appellation « ch’ti » (ou « chtimi ») est née durant la Première Guerre mondiale. Les soldats originaires du Nord utilisaient fréquemment des formes comme « ch’est ti ? » (c’est toi ?) ou « ch’est mi » (c’est moi), ce qui a mené à ce surnom.
Rapidement, le mot « ch’ti » s’est diffusé comme un marqueur affectif et culturel, désignant à la fois les habitants du Nord et leur manière de parler. Il ne s’agit donc pas d’un terme linguistique officiel, mais d’un surnom devenu emblématique.
Le ch’ti est-il différent du picard ?
Oui, mais il ne s’agit pas d’une langue distincte, simplement d’une variante. Le ch’ti, c’est le picard avec l’accent du Nord, des expressions typiques, et parfois un lexique influencé par le français moderne.
Le picard se parle aussi en Picardie et en Wallonie (Belgique), où il prend des formes légèrement différentes. Voici quelques éléments distinctifs du ch’ti :
- Phonétique : « ch » pour « s » ou « c » (ex : « ch’est » pour « c’est »)
- Lexique régional : beaucoup de mots n’ont pas d’équivalent ailleurs
- Influence du français : certaines constructions modernes sont intégrées
Dix mots en ch’ti et leur équivalent français
Ch’ti | Français |
---|---|
biloute | pote / ami |
drache | pluie forte |
queneuttes | bonbons |
frin | froid |
min coin | chez moi |
toudis | toujours |
ach’ti | regarde-le |
baraque | maison |
wassingue | serpillière |
braire | pleurer |
Deux phrases en ch’ti avec leur traduction
- Ch’est min coin, t’as qu’à v’nir boère eun’ chope.
→ C’est chez moi, tu peux venir boire une bière. - Aie, ch’faisait frin c’matin, j’me suis caillé les miches !
→ Ouille, il faisait froid ce matin, je me suis gelé !
Ces exemples montrent combien la langue est vivante et imagée, très marquée par la convivialité et l’humour.
Le picard est-il encore parlé aujourd’hui ?
Le picard, et donc le ch’ti, n’est plus transmis massivement d’une génération à l’autre. Il n’est pas enseigné à l’école (sauf dans quelques rares projets locaux) et reste majoritairement une langue orale.
Cependant, plusieurs associations culturelles, des groupes de théâtre et des auteurs militent pour sa préservation. Depuis le succès du film Bienvenue chez les Ch’tis, on assiste même à une renaissance de l’intérêt populaire, notamment dans les médias locaux, les festivals et les chansons.
L’UNESCO classe le picard comme langue sérieusement en danger, ce qui souligne la nécessité de sa documentation et de sa sauvegarde.
Le ch’ti dans la culture populaire
Le ch’ti a trouvé un écho particulier dans la culture populaire : chansons, théâtre de rue, radio locale, bandes dessinées… Il incarne une identité forte, chaleureuse et populaire, souvent associée aux traditions ouvrières et minières du Nord.
Parler ch’ti, même quelques mots, c’est souvent revendiquer ses racines et son attachement à une région souvent stigmatisée mais profondément solidaire.
Le picard est-il enseigné ou étudié ?
Il existe quelques initiatives universitaires et locales pour documenter le picard, notamment à Amiens ou à Lille. Des grammaires, dictionnaires et recueils de contes ont été publiés.
Des cours sont parfois organisés dans le cadre associatif, mais il manque une politique linguistique claire pour soutenir sa transmission comme cela se fait pour le breton ou l’occitan.
En conclusion
Le ch’ti n’est pas une langue en soi, mais une variante régionale vivante du picard. Riche d’histoire et de culture, il mérite d’être compris, appris, et transmis. Que l’on parle de picard ou de ch’ti, on évoque un patrimoine linguistique unique, témoin d’un passé populaire encore vibrant aujourd’hui. Valoriser cette langue, c’est aussi rendre hommage aux voix du Nord, à leur chaleur, à leur humour, et à leur mémoire.