À la fin du XIXᵉ siècle, le monde est fasciné par les prouesses architecturales. En 1889, la France impressionne la planète avec la tour Eiffel, haute de [math]300[/math] mètres, qui devient l’emblème de Paris. Dans un esprit de rivalité, un homme politique et entrepreneur britannique, Sir Edward Watkin, décide de relever le défi et de construire une tour encore plus haute à Londres. Ce projet prendra le nom de « tour de Watkin » ou « Folie de Watkin ».
Watkin, fervent promoteur du développement ferroviaire et président de plusieurs compagnies de chemin de fer, souhaite attirer les touristes vers son entreprise, la Metropolitan Railway, en construisant un gigantesque parc d’attractions à Wembley, dans la banlieue nord-ouest de Londres. La pièce maîtresse de ce parc devait être une tour d’observation dépassant celle de Gustave Eiffel.
Une tour plus haute que la tour Eiffel
L’objectif de Watkin était ambitieux : construire une structure de 358 mètres de hauteur, soit [math]58[/math] mètres de plus que la tour Eiffel. Un concours est lancé pour désigner le design de la tour. Parmi les 68 propositions reçues, certaines sont complètement extravagantes. Le projet retenu s’inspire largement de la tour Eiffel, avec quatre piliers en fer forgé qui se rejoignent en hauteur, mais avec des modifications spécifiques et des niveaux supplémentaires.
Ce projet n’était pas uniquement une démonstration d’orgueil architectural : il était pensé comme un moteur économique. Avec des restaurants panoramiques, des galeries d’observation et même un hôtel à mi-hauteur, la tour devait être un véritable centre d’activités.
Un chantier qui tourne au fiasco
La construction débute en 1892. Cependant, très rapidement, les problèmes s’accumulent. Le sol de Wembley, trop instable pour une structure aussi massive, nécessite d’importants renforts de fondation. Cela fait exploser les coûts. De plus, l’enthousiasme initial retombe. Le gouvernement et les investisseurs privés deviennent frileux. Watkin, vieillissant, perd peu à peu l’appui nécessaire pour mener à bien son projet.
Malgré ces obstacles, une première phase est terminée : la base de la tour s’élève à 47 mètres. C’est à ce moment que le chantier est stoppé. La structure, incomplète et inutilisable, est laissée à l’abandon.
La fin d’un rêve architectural
Après la mort de Sir Edward Watkin en 1901, aucun successeur ne reprend le flambeau. Le squelette de la tour reste visible pendant plusieurs années, servant occasionnellement de point d’observation pour les curieux. Mais la structure métallique, rouillant lentement, devient dangereuse.
En 1907, la décision est prise de démolir la tour. Les matériaux sont vendus comme ferraille, et la zone est nettoyée. Il ne reste rien de cette ambition colossale, si ce n’est quelques archives et photographies rares. Toutefois, le site de Wembley Park connaîtra une seconde vie avec la construction du stade de Wembley en 1923, emblème du sport britannique.
L’héritage de la folie de watkin
Bien que la tour de Watkin soit aujourd’hui oubliée du grand public, elle représente un symbole fort de l’ère victorienne : une époque d’optimisme technique, de rivalité internationale, mais aussi d’ambitions parfois déconnectées de la réalité. Le projet illustre les limites entre innovation, orgueil et faisabilité.
Certains historiens y voient le précurseur de l’urbanisme moderne de divertissement, associant transports, attractions et développement de zones périphériques. D’un échec, naît aussi une inspiration pour d’autres projets mieux maîtrisés.
En conclusion
La tour de Watkin incarne une page fascinante de l’histoire architecturale britannique. Elle rappelle que les plus grandes ambitions peuvent échouer, mais laissent souvent une empreinte durable dans la mémoire collective. Ce projet inachevé nous pousse à réfléchir sur les liens entre architecture, politique, économie et rêve.