
Un épicurien recherche l’équilibre du plaisir, l’hédoniste le plaisir immédiat.
Qu’est-ce qu’un épicurien et en quoi se distingue-t-il d’un hédoniste ?
Dans le langage courant, le mot « épicurien » évoque souvent une personne qui aime les plaisirs de la vie, notamment ceux liés à la gastronomie, au confort ou à l’art de vivre. Pourtant, derrière ce terme se cache une philosophie bien plus profonde et nuancée, héritée du penseur grec Épicure. Pour bien comprendre ce qu’est un épicurien, il est important de distinguer son sens philosophique originel de son usage moderne.
L’épicurien selon Épicure : une quête de paix intérieure
Épicure (341 av. J.-C. – 270 av. J.-C.) est un philosophe grec fondateur d’une école de pensée appelée l’épicurisme. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Épicure ne défendait pas une recherche effrénée de plaisirs sensoriels. Pour lui, le bonheur se trouve dans l’absence de douleur – à la fois corporelle et mentale – et dans la recherche de plaisirs simples, durables et raisonnés.
Épicure définissait le plaisir comme le souverain bien, mais à condition qu’il soit choisi avec prudence. Il distinguait les plaisirs naturels et nécessaires (comme manger quand on a faim), des plaisirs non nécessaires (comme rechercher des mets raffinés ou des luxes inutiles). La clé, pour lui, était la modération.
Le plaisir véritable est donc celui qui ne crée pas de souffrance future, et qui est compatible avec la tranquillité de l’esprit, appelée ataraxie. Pour atteindre cet état, Épicure recommandait de vivre dans la simplicité, d’éviter les passions destructrices, et de cultiver l’amitié et la réflexion.
L’épicurien moderne : entre plaisir et art de vivre
De nos jours, le mot « épicurien » est souvent utilisé dans un sens plus large, moins rigoureux. On parle d’épicurien pour décrire quelqu’un qui aime profiter de la vie, goûter de bons plats, boire un bon vin, voyager, découvrir de nouvelles expériences.
Cette définition populaire n’est pas totalement erronée, mais elle s’éloigne du sens philosophique. Un épicurien moderne peut aimer les plaisirs des sens, mais il est important de se rappeler que l’épicurien authentique est surtout modéré, réfléchi, et évite les excès qui pourraient troubler son équilibre intérieur.
Ainsi, un véritable épicurien ne cherche pas à accumuler les plaisirs, mais à sélectionner ceux qui contribuent réellement à son bien-être, sans engendrer de troubles ou de souffrances à long terme.
L’hédonisme : le plaisir comme finalité absolue
L’hédonisme est une autre doctrine philosophique qui place le plaisir au centre de la vie. Le mot vient du grec hêdonê, qui signifie plaisir. À la différence de l’épicurisme, certaines formes d’hédonisme valorisent des plaisirs plus immédiats, parfois plus intenses, et sont moins préoccupées par les conséquences à long terme.
L’un des premiers penseurs hédonistes fut Aristippe de Cyrène, qui affirmait que tous les plaisirs sont bons, même les plus intenses, tant qu’ils sont vécus dans l’instant. L’hédoniste moderne, quant à lui, est souvent perçu comme quelqu’un qui cherche à profiter pleinement de la vie, sans retenue : fêtes, consommation, luxe, aventures.
Cette approche peut sembler séduisante, mais elle comporte des risques : épuisement, dépendance, ou perte de sens à long terme. L’hédonisme peut donc mener à une instabilité émotionnelle si la recherche de plaisir devient une fuite permanente.
Tableau comparatif : épicurien vs hédoniste
Critère | Épicurien | Hédoniste |
---|---|---|
Origine | Philosophie d’Épicure | Philosophie d’Aristippe de Cyrène |
Objectif de vie | Tranquillité, absence de souffrance | Recherche constante de plaisir |
Type de plaisirs | Simples, naturels, durables | Intenses, parfois excessifs |
Modération | Essentielle | Pas nécessairement valorisée |
Rapport à la douleur | À éviter absolument | Acceptée si le plaisir l’emporte |
Exemples concrets | Jardinage, repas sobre, amitiés durables | Voyages luxueux, fêtes, sensations fortes |
Une philosophie pour aujourd’hui
Dans un monde où le stress, la pression sociale et la course à la performance sont omniprésents, l’épicurisme propose une alternative précieuse : ralentir, simplifier, apprécier les plaisirs accessibles, privilégier la qualité des relations humaines et le calme intérieur. En ce sens, adopter un mode de vie épicurien aujourd’hui peut être une forme de sagesse contemporaine.
Il ne s’agit pas de refuser les plaisirs de la vie, mais de choisir ceux qui construisent un bonheur durable. Cela signifie aussi dire non à certains désirs, non par privation, mais pour éviter des souffrances inutiles. L’épicurisme devient alors un art de vivre lucide, serein et harmonieux.
En conclusion
Être épicurien ne signifie pas céder à tous les plaisirs, mais vivre de façon consciente, modérée et joyeuse. Loin de l’image du bon vivant qui multiplie les excès, l’épicurien véritable cherche la paix intérieure, la simplicité, et des plaisirs choisis avec sagesse. Face à l’hédonisme parfois excessif de notre époque, cette philosophie peut offrir un chemin vers un bonheur plus profond et plus stable.