
Un individu instruit tend la main à quelqu’un perdu dans l’incompréhension, symbolisant la difficulté à partager le savoir.
La malédiction du savoir, ou curse of knowledge, est un biais cognitif qui survient lorsqu’une personne, une fois qu’elle sait quelque chose, a du mal à imaginer ce que cela fait de ne pas le savoir. Ce phénomène rend difficile la transmission d’informations ou d’émotions à ceux qui n’ont pas le même niveau de connaissance, d’expérience ou de conscience.
Une explication simple et concrète
Imagine un professeur qui enseigne un concept scientifique complexe sans rappeler les bases nécessaires. Il suppose que les élèves savent déjà. Mais ce n’est pas le cas, alors ils ne comprennent pas. Le professeur, de son côté, ne comprend pas pourquoi c’est si flou pour eux. C’est la malédiction du savoir en action.
Un autre exemple courant : un développeur informatique rédige une documentation truffée de jargon. Pour lui, tout est clair, car il connaît déjà les termes. Mais pour un débutant, c’est un vrai labyrinthe.
Ou encore quelqu’un qui raconte une blague qui dépend d’un contexte historique ou culturel que les autres n’ont pas. Résultat : personne ne rit, il se sent mal compris. Voilà encore la malédiction du savoir.
Quand le savoir devient isolement
Ce biais ne provoque pas seulement une mauvaise communication. Il peut aussi entraîner une forme de solitude intellectuelle. Quand tu sais quelque chose que les autres ignorent – que ce soit une vérité scientifique, une alerte climatique, un traumatisme ou même une simple prise de conscience – tu peux avoir l’impression d’être seul. Pas parce que les autres ne veulent pas comprendre, mais parce qu’ils ne peuvent pas encore. Ils n’ont pas traversé ce que tu as traversé. Ils ne possèdent pas les mêmes clés que toi.
Cette solitude se manifeste souvent dans l’émotion. Tu veux expliquer, partager, faire comprendre. Mais tu fais face à de l’incompréhension, parfois à de la méfiance, ou même de l’indifférence. Et c’est douloureux.
Les effets concrets sur la communication
Quand on est sous l’emprise de la malédiction du savoir, plusieurs choses se produisent :
Incompréhension : Tu t’exprimes, mais on ne te comprend pas. Tu oublies que ton interlocuteur ne sait pas ce que tu sais.
Frustration : Tu répètes, tu simplifies, mais rien ne passe. Et tu te sens impuissant.
Épuisement : Expliquer devient fatigant. Tu peux finir par te taire ou te replier.
Jugement : Tu crois que les autres ne veulent pas comprendre, alors qu’ils ne peuvent pas encore.
Et ce n’est pas toujours lié au savoir technique. Tu peux aussi vivre cela après une rupture, une maladie, un éveil spirituel, un changement de mode de vie. Tu n’es plus tout à fait la même personne. Mais autour de toi, tout le monde continue comme si rien n’avait changé.
Pourquoi est-ce si problématique ?
Ce biais est dangereux car il crée une fracture. Il empêche la transmission du savoir, freine la pédagogie, bloque l’innovation collective. Il est particulièrement nuisible dans les domaines suivants :
L’enseignement : Un enseignant qui ne tient pas compte du niveau de ses élèves devient inefficace.
Le marketing : Une entreprise qui communique avec un jargon technique perd son audience.
La rédaction technique : Une documentation mal rédigée empêche les utilisateurs de comprendre et d’utiliser correctement un produit.
La gestion d’équipe : Un manager qui pense que tout le monde a les mêmes connaissances peut prendre de mauvaises décisions.
Comment surmonter cette malédiction
Heureusement, il est possible de contourner la malédiction du savoir, mais cela demande de la conscience et de l’effort. Voici quelques pistes :
Se poser la question : Qu’est-ce que je sais que l’autre ne sait peut-être pas ? Cela permet de mieux ajuster son discours.
Tester son discours : En le présentant à quelqu’un qui ne connaît pas le sujet. S’il comprend, c’est bon signe. Sinon, il faut adapter.
Revenir aux bases : Même si cela semble évident pour soi. Les fondations sont indispensables pour ceux qui découvrent.
Utiliser des métaphores : Elles permettent de créer des ponts entre des mondes différents.
Faire preuve d’empathie : Se souvenir de l’époque où, soi-même, on ne savait pas encore. Cela aide à rester patient.
Un défi humain et universel
Ce biais touche tout le monde, à des degrés divers. Il est naturel de supposer que les autres savent ce que l’on sait. Pourtant, c’est rarement le cas. Chaque personne a son propre parcours, ses propres expériences, ses propres lacunes.
Apprendre à transmettre clairement ce qu’on sait, sans mépriser ni infantiliser, est un art. Cela demande du recul, de la bienveillance, et parfois de la créativité. Mais c’est une compétence précieuse, surtout dans un monde où l’information circule vite, mais pas toujours bien.
En conclusion
La malédiction du savoir n’est pas une fatalité. C’est une invitation à mieux communiquer, à faire preuve d’humilité, à créer des ponts entre ce que l’on sait et ce que l’autre peut comprendre. En prenant conscience de ce biais, on devient non seulement un meilleur pédagogue, mais aussi un être plus empathique et plus patient.