Les termes prolétaire et roturier sont souvent confondus, car ils désignent tous deux des personnes appartenant à des classes sociales modestes. Cependant, ils ont des origines différentes et des significations distinctes. L’un est lié à l’économie et à la lutte des classes, tandis que l’autre est issu du système féodal et hiérarchique de l’Ancien Régime. Comprendre ces nuances permet d’éviter des erreurs de langage et d’histoire.
Origine et étymologie des termes
Le mot prolétaire vient du latin proletarius, qui désignait dans la Rome antique les citoyens pauvres ne possédant rien d’autre que leur descendance (proles). Ce terme a été réutilisé au XIXᵉ siècle par Karl Marx pour désigner la classe ouvrière exploitée par le capitalisme.
Le terme roturier, quant à lui, vient du vieux français roturier, qui signifie « non noble ». Il désignait toute personne qui ne faisait pas partie de la noblesse dans la société de l’Ancien Régime. Contrairement au prolétaire, le roturier pouvait être aussi bien pauvre que riche.
Le prolétaire : un concept économique et politique
Le prolétaire est un individu qui ne possède pas de moyens de production (usines, terres, capitaux) et qui vend sa force de travail pour survivre.
Dans la théorie marxiste, la société est divisée en deux classes principales :
- La bourgeoisie : qui détient les moyens de production et exploite les travailleurs.
- Le prolétariat : qui ne possède que sa force de travail et doit la vendre aux capitalistes pour subsister.
Le prolétariat apparaît avec l’industrialisation au XIXᵉ siècle et devient une force sociale et politique revendiquant des droits, comme le salaire minimum, la limitation du temps de travail et la protection sociale.
Un prolétaire est donc défini par son absence de propriété des moyens de production et sa dépendance économique aux employeurs.
Le roturier : une position sociale sous l’Ancien Régime
Dans les sociétés féodales et pré-révolutionnaires, le principal critère de distinction était la noblesse. Être roturier signifiait simplement ne pas appartenir à la noblesse, mais cela ne préjugeait ni de la richesse ni de la profession.
La société de l’Ancien Régime était divisée en trois ordres :
- Le clergé : les religieux qui exerçaient une influence spirituelle et possédaient de vastes terres.
- La noblesse : qui bénéficiait de privilèges et vivait de rentes foncières sans avoir besoin de travailler.
- Le tiers état : constitué en grande majorité de roturiers, incluant les paysans, artisans, commerçants et bourgeois.
Les roturiers pouvaient être très pauvres (paysans misérables) ou très riches (grands marchands, banquiers). Certains bourgeois fortunés cherchaient même à acheter un titre de noblesse pour sortir de la condition roturière.
Comparaison entre prolétaire et roturier
Critère | Prolétaire | Roturier |
---|---|---|
Origine du terme | Économie industrielle | Société féodale |
Définition | Ouvrier ou employé ne possédant pas de capital | Personne n’appartenant pas à la noblesse |
Contexte historique | Révolution industrielle et capitalisme | Ancien Régime (avant la Révolution française) |
Statut économique | Pauvre et dépendant du travail salarié | Variable (peut être riche ou pauvre) |
Critère de distinction | Absence de capital et dépendance au salaire | Absence de noblesse |
Évolution et pertinence actuelle des termes
De nos jours, le mot roturier a pratiquement disparu, sauf dans un contexte historique ou ironique. La noblesse n’ayant plus de rôle institutionnel dans la plupart des sociétés modernes, il n’a plus de réelle signification sociale.
En revanche, le terme prolétaire est encore utilisé, notamment dans les discours politiques et économiques pour désigner les travailleurs précaires, exploités ou en lutte contre le capitalisme. Toutefois, il tend à être remplacé par les expressions « classe ouvrière », « travailleurs précaires » ou « salariés ».
Conclusion
Le prolétaire est un individu défini par son absence de capital et sa dépendance au travail salarié, tandis que le roturier est simplement une personne non noble dans une société d’Ancien Régime. Le premier est un concept économique et politique issu du capitalisme, le second est une distinction sociale médiévale et pré-révolutionnaire.
Ainsi, si tous les prolétaires peuvent être considérés comme des roturiers (car ils ne sont pas nobles), tous les roturiers ne sont pas forcément des prolétaires, certains pouvant être de riches bourgeois ou marchands.